Le rôle de parents et d’adultes a considérablement évolué ces dernières décennies. Les réseaux, les jeux en ligne, les téléphones portables ont changé irréversiblement le monde de nos enfants.
A notre époque, il n’est plus possible de protéger ou soustraire ceux-ci aux courants de pensées actuelles ou de simplement trier les informations qui leur sont accessibles. Même si à la maison, l’accès peut en être limité. L’école, le collège, le lycée et les copains se chargeront de rendre tout disponible.
Il devient urgent de créer un dialogue et des échanges entre adultes et enfants permettant de penser et panser la société.
Les sujets comme le sexe et la pornographie, la guerre (cf. article dédié) ou la mort doivent être abordés sans tabou et ouvertement. Nous ne pouvons plus totalement faire confiance à la société pour informer nos enfants.
Quelle est la place de la mort dans la société ?
De nos jours, la mort est partout autour de nous dans les jeux, les films, les informations mais en même temps nulle part.
Dans nos vies, nos relations, elle est tue, dissimulée, cachée. On ne meurt quasiment plus chez soi mais à l’hôpital ou la maison de retraite.
Souvent vécue comme un échec, la société n’accepte que difficilement la perte. On lutte contre le vieillissement.
On tente de protéger nos enfants de toutes souffrances.
Moi la première, dès que mon fils a choisi un doudou favori, je me suis précipitée en acheter 2-3 identiques pour être certains qu’on ne le perde pas.
Malheureusement, c’est grâce aux petites pertes que l’on arrive à se préparer à de grandes pertes : la perte d’un être cher.
Une vision de la société erronée
Auparavant, on évoquait l’existence de deux morts : la vraie et la fausse.
La vraie, le plus souvent vécue à domicile et au sein d’un contexte familial ou de communauté, elle était partagée, éprouvée jusqu’à la cérémonie et bien au-delà. Les tenues de deuil étaient là pour nous rappeler la présence de l’être disparu et cette perte aux yeux de tous.
Désormais comme précédemment évoqué, les rassemblements peuvent être rendus compliqués ou réduits par l’éloignement et l’éclatement des cellules familiales. Les rituels de veillées des corps ont peu à peu disparu de nos habitudes. Les enfants ne sont plus systématiquement conviés aux cérémonies ou à la préparation (cf. article)
La mort s’éloigne de notre quotidien. Le vieillissement de la population entraîne aussi un phénomène important:
désormais nous perdons nos parents lorsque nous sommes nous-mêmes déjà parents. Nous ne savons pas composer avec nos propres pertes et souffrances et nous sommes censés apprendre à nos enfants.
La fausse mort était ces jeux de soldats de plombs, d’indien et cowboy où les enfants d’antan mimaient la mort : Je tombe à terre, Pan, Pan tu bouges plus et le jeu s’arrête.
Les codes de la mort étaient justes et respectés.
Désormais, ces jeux sont remplacés par le virtuel. On parle même désormais de mort virtuelle qui est celle qui occupe tout l’espace médiatique et psychique.
Pour ne prendre que l’exemple de Pokémon, des séries de vampires, de concert holographique,
On ne meurt pas : on évolue, on se transforme voire se sublime (vive les vampires à paillettes de Twilight !!)
On ne disparait pas : on renaît à l’infini comme dans Fortnight, nos avatars sont indestructibles.
J’ai entendu dernièrement une chanson à la radio d’Hélène Ségara et de Joe Dassin. Là aussi je me suis questionnée sur la possibilité que Joe Dassin ait pu, ne serait ce qu’un jour côtoyer Hélène !!
Les codes ne sont plus les bons, tout est réversible et contrôlé.
Quelles sont les risques d’une telle distorsion ?
L’enjeu principale est sur la construction psychologique des enfants et adolescents. Ils ne côtoient plus que rarement la vulnérabilité : nos aïeux ne vivent plus au domicile, le culte de la force et de la beauté prédominent (merci les filtres et une petite dédicace spéciale à Madonna, héroïne de mon adolescence qui sur ses photos désormais est plus jeune que moi !!!).
Dans une période fragile (et fragilisé par le contexte sociétal de surcroît), où les enfants sont déjà sans limites dans leur fantasme de toute puissance où tout leur semble accessible. La non-intégration des vrais codes de la mort, engendrent des comportements à risque notamment des jeux testant les limites de plus en plus dangereux et souvent orchestrés par la puissance des réseaux.
Je peux ainsi me retrouver face à des adolescents au sein de mon cabinet, surpris des conséquences malheureusement parfois tragiques de ces jeux, et qui me disent avec une profonde sincérité : « on n’avait pas compris, qu’on pouvait mourir pour de vrai !! »
Cela peut sembler stupide mais je ne serai pas aussi catégorique, ceci révèle surtout d’une profonde ignorance.
Ignorance qui possède un prix trop élevé pour qu’on la laisse perdurer.
Conclusion
S’il y a encore quelque temps, je vous aurai simplement recommandé de parler à vos enfants. Dans le contexte actuel hautement chahuté et anxiogène, je crains que cela devienne véritablement incontournable.
N’hésitez pas cependant à vous faire aider par un professionnel, nous avons tous nos limites à respecter, soyons doux et indulgents avec nous même, on ne nous a pas forcément appris à le faire.
Vous trouverez des articles sur comment parler de la mort, comment répondre à la question : Pourquoi meurt-on ? sur cette page.
Et le soutien de conte comme Le bateau pirate du Capitaine Édouard est un merveilleux support pour alléger cette difficile discussion en offrant un outil pratique et des guides de discussion.
Mais n’oubliez pas que la complicité et la confiance qui se construisent durant ces échanges parents-enfants sont des acquis que l’on conserve pour la vie.